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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/148

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

présence comme on parle d’un absent. Il avait alors la prudence de presser le débit, de choisir des termes un peu obscurs, con­vaincu que l’homme de rêve s’y perdrait. Ils étaient deux à balbutier.

Mais ce qui n’échappait pas à celui-ci, c’était le sarcasme du ton, la malveillance subtile du regard.

Ève remit peu à peu les choses au point comme elle l’avait fait dans son propre cas. Elle n’avait pas à feindre. Elle avait tou­jours traité le Grand-Louis comme un hôte mystérieux et presque sacré. La dignité qu’il apportait dans chacun de ses actes le mettait en garde contre la familiarité. Son mutisme était du mystère et on ne savait vraiment ce que recouvrait ce masque de douceur et de rêverie. Les gamins du village n’avaient jamais tenté de faire de lui un objet de risée.

Quand le docteur eut compris qu’il n’y avait rien à entreprendre contre cette forte­resse, Grand-Louis, il le laissa tranquille, et bientôt même il s’intéressa à lui, lui enseigna quelques jeux de cartes qui, disait-il, pouvaient développer sa mémoire.

Un soir il apporta des cigares, lui en offrit un. On ne l’avait jamais vu fumer.

Ève observait.