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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/172

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

trône de rochers, et dans sa pose hiératique, avec son visage régulier sous les multiples arcades de la coiffe, s’harmonise sans qu’elle s’en doute au royal paysage. La barrière de ses songes la sépare du monde réel.

Ève aussi était une solitaire d’âme. L’amour même ne pouvait empiéter. Mais elle avait besoin, comme les autres, d’apercevoir une silhouette dans la solitude.

Jeunes filles de Penmarch, clair symbole du sombre pays, dentelle sur granit, batte­ment d’aile au haut des rochers, regard bleu qui tombe comme une eau pure de la falaise, Lemordant a dû les voir ainsi de sa cabane maintenant abandonnée, avec son unique volet rabattu. On s’en approche, on appuie l’oreille à la porte fermée, le souffle de l’Océan en fait le tour, on dirait qu’un cœur vivant bat à l’intérieur qu’on ne peut ima­giner tout ténèbres.

Ève s’allongea sur le sol tiède. Au-dessus d’elle, il n’y eut plus que l’espace où la lumière bleue ondoyait comme un champ de lin en fleur, borné par des rocs géants qui dressés d’un jet sur leur base étroite ressem­blent à des bergers dans leur houppelande. Ceux-ci défendaient la terre.

On n’avait point d’autre désir que de se confondre avec elle, d’entendre frémir autour de soi la grande voile invisible de l’air