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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/185

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

— Oh ! Grand-Louis, si vous n’êtes pas un rêve, venez à moi. Je ne puis aller à vous, Grand-Louis, parce que l’amour enchaîne mes mains et mes pieds. Il est temps de vous délivrer vous-même, Grand-Louis, de rompre l’envoûtement qui nous tient séparés. Voilà longtemps que nous nous attendons. Deux années, deux années dans la lande qui n’est que le prolongement de la terre étrangère où je vous ai déjà rencontré et perdu, il y a tant d’années, Grand-Louis !… Si vous aviez à expier le mal d’une vie passée, vous avez souffert et vous êtes pardonné. Et moi, si j’ai péché, je viens à vous, mon Grand-Louis, soumise et douce.

Ève ressemblait à l’image pétrifiée de la reine Anne, dans son haut fauteuil. L’air de la chaumière était humide de larmes.

Tous les esprits de la lande avaient quitté leurs voiles sombres et se rencontraient, vêtus de robes d’argent, au-dessus de la terre bombée, luisante et fraîche comme une joue d’enfant. L’humanité entière se penchait vers cette fraîcheur. La neige tombait avec tant de molle tendresse qu’on croyait voir des tourterelles se serrer, plume à plume, au bord des toits. De longues baguettes de lumière entraient par les minces fenêtres, transformant l’intérieur en chapelle votive.