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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/46

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Elle remarqua qu’il ne l’appelait jamais par son nom, et qu’après ses absences, il n’entrait jamais dans la maison sans qu’on l’y invitât. Il demeurait l’apparition de la lande, l’homme-fantôme. Il attendait, le regard sur les vitres, qu’elle s’aperçût de son retour.

De longues aiguillettes d’un argent bleuté frétillaient dans le panier, sous une couche d’âcre fougère.

Elle interrogeait du regard.

Une expression d’orgueil passa sur le visage de Grand-Louis.

Il souleva son panier, repoussa doucement Ève et entra dans la cuisine, se dirigeant avec plus d’assurance que d’ordinaire. Il alla droit au buffet dont il ouvrit les battants.

— Plus de pain, plus de viande, plus de poisson ? dit-il en enchevêtrant les syllabes.

Il reprit haleine :

— Voici du poisson… pour vous.

Une émotion la saisit qu’elle ne chercha pas à dissimuler. Avec lui, on pouvait être soi : il n’y avait jamais à dissimuler.

C’est elle qui balbutiait à son tour, elle dont les mains tremblaient. À son appel, l’homme du rêve était descendu de son