Page:Le Franc - L'âme maternelle - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 8 décembre 1906.djvu/11

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homme de foyer et je n’ai pas de foyer… Autrefois — il y a très longtemps, — tu n’étais pas née, Paulette — j’ai essayé de la douceur, de la persuasion pour retenir ta mère chez elle, pour l’amener à aimer son intérieur, à vivre un peu pour son mari et ses enfants, à rêver autre chose que de bijoux, de toilettes et de « five o’clock tea ». Elle avait été mal élevée, comme tant d’autres, et c’est pourquoi je lui pardonnais espérant la guérir de son amour maladif du luxe, du mouvement, de l’emploi futile des heures.

Mes objurgations timides ont d’abord étonné, puis déplu, puis fait rire. On ne m’a pas envoyé dire que mon rôle était de fournir de l’argent et non de me mêler de savoir comment on le dépensait. On m’a abandonné, dissimulé, supprimé. et pour expliquer au monde pourquoi je n’étais jamais aux côtés de ma femme, on m’a donné une réputation de sauvage, un caractère de misanthrope. Et ça dure depuis vingt ans, et cette farce ne fait que s’accroître, et je n’aurai pas plus de repos à mon foyer à l’heure où j’en ai si bien mérité !

Il s’excitait peu à peu, mais Paulette le calma encore une fois : Voyons, papa !

L’enfant avait de grosses larmes dans les