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Page:Le Franc - Le destin - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 25 août 1906.djvu/5

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d’aimer triompha. Elle mit autant de volonté à recommencer sa vie qu’elle avait jadis montré de fierté à tenir son cœur endormi sur son rêve unique. Elle chercha autour d’elle… Non, jamais elle ne pourrait choisir le compagnon de sa vie parmi les humbles, les ignorants ou les vulgaires de son village. Elle se souvint qu’elle avait à Paris un cousin qui, parti très jeune du Canada, était maintenant reporter dans un journal de la capitale. Ils entretenaient de vagues échanges de cartes postales. Il ne tenait qu’à elle que ces relations de cousinage prissent une tournure plus tendre. Elle savait Lucien Trémor jeune, intelligent et aimant : elle ne demandait pas davantage pour édifier son bonheur. Au bout de quelques mois, elle l’amena là où elle désirait qu’il vînt, et, de son côté, elle mit tout son espoir dans cette vie nouvelle de luttes, d’efforts, de succès peut-être qu’elle voulait mener avec lui. Elle lui donna sa foi, dans toute la loyauté de son cœur renouvelé. La pensée de Maurice n’éveillait plus en elle qu’un sentiment de grande douceur : cet amour avait été comme un beau lys qui embaumait encore le souvenir du temps enfui. Mais le beau lys était mort… Que Maurice, aujourd’hui, vînt se jeter à ses pieds et elle dirait qu’il était trop tard, qu’elle appartenait maintenant au petit journaliste obscur qui l’attendait dans le grand Paris.

C’est dans cet état d’âme qu’elle était arrivée à Montréal.


IV


Andrée désirait demeurer quelques jours dans la ville où elle n’avait pas espoir de revenir d’ici longtemps — Lucien et elle seraient trop pauvres pour songer à un tel voyage.