Page:Le Franc - Le destin - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 25 août 1906.djvu/8

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mêmes traits d’ivoire, le même profil de médaille antique, la même flamme dans les orbites profondes.

Andrée regarda autour d’elle. Le décor aussi était le même, mais aujourd’hui elle sentait un air d’abandon qui ne l’avait pas frappée jadis, une absence de sollicitude féminine dans l’arrangement de ce cabinet de travail aux murs nus, aux fenêtres sans rideaux, aux livres épars. Et une pitié lui vint pour Maurice.

Ils causèrent. Lui dit ses luttes d’homme politique, ce qu’il avait fait pendant la période écoulée, ce qu’il rêvait d’accomplir au cours de celle qui commençait.

Elle discutait avec lui, n’acceptait pas comme autrefois, les yeux fermés, ses jugements autoritaires et ses opinions absolues, et cela le déconcertait un peu, l’intéressait aussi. Cette résistance n’était pas pour lui déplaire. Andrée représentait pour lui les contradictions qu’il pourrait rencontrer à la tribune et il allait et venait dans la vaste pièce, les mains derrière le dos, s’arrêtant parfois devant la jeune fille en élevant la voix pour la convaincre.

Elle demeurait maintenant silencieuse… C’était donc tout ce que trouvait à lui dire cet homme auquel elle avait rêvé durant les meilleures années de sa jeunesse ! Et il savait cela, et il savait aussi qu’elle allait partir pour appartenir à un autre, et voilà le regret qu’il montrait d’elle !

Le passé opérait sa suggestion, à la magie de cette voix vibrante qui la bouleversait toute, de ces yeux qui fondaient à leur flamme toute son énergie. Le