Page:Le Franc - Le wattman - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 29 septembre 1906.djvu/9

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la grâce de dix-huit ans à plein visage.

Maintenant, tout son bonheur était contenu dans l’instant furtif où il la voyait paraître immobile, relevant sa jupe de sa petite main gantée, au bord du trottoir où elle attendait le « char. »

Les premiers temps, elle faisait signe qu’elle voulait monter ; mais à présent, du plus loin qu’elle l’apercevait, elle se contentait de le regarder, du regard de ses yeux francs et doux, certaine qu’il n’était pas besoin d’un geste pour qu’il s’arrêtât.

Depuis qu’il faisait beau, elle prenait place sur le siège d’avant, derrière lui, et de la savoir là, sa main tremblait en s’appuyant au volant de manœuvre. En même temps, un sentiment d’orgueil lui redressait l’échine : le reste des passagers n’étaient plus, il n’y avait qu’elle qu’il promenait comme une reine, et il était ému en pensant qu’il détenait entre ses mains sa précieuse existence.

Pourtant, il ignorait tout de la jeune fille, tout jusqu’à son nom. Il avait à peine entendu le son de sa voix ; il ne connaissait pas sa famille ; il devenait faible à la pensée qu’elle pouvait aimer quelqu’un, qu’elle était fiancée peut-être. Parfois, il se disait que son visage, à la longue, avait perdu de sa réserve des premiers