de leur haleine humide. Les bouleaux tournants de la porte essayaient de déchiffrer les mystères. Aucune lueur ne guidait nos pas. Avec les bâtons dont notre hôte nous avait pourvus, nous poussions devant nous l’obscurité pour la forcer à nous livrer passage. Sous nos pas, des cailloux dégringolaient les pentes, en somnambules. La forêt que nous ne pouvions plus voir entrait dans nos yeux pour regarder au fond de nous.
J’avais repéré dans la journée une piste marquée à l’entrée par une cabane en ruines, à la gueule béante et aux yeux crevés. Elle devait mener au lac et nous nous y enfonçâmes. Nous marchions en file indienne, tâtant le sol du bâton. À une déclivité brusque du terrain, et à un souffle de naseaux humides, nous devinâmes un cours d’eau couleur d’encre, plusieurs fois noué sur lui-même, qui cherchait aussi le chemin de Blue Sea. Il charriait dans sa veine profonde le sang nocturne de la forêt. Cavelier s’immobilisa. Sans voir son visage, nous sentîmes qu’il exprimait un refus d’avancer. Qu’est-ce qui lui inspirait tout d’un coup ce désarroi ? Non la peur. Je l’entendais encore siffler entre ses lèvres serrées : « Je voudrais me battre ! » Les révélations de la nuit étaient-elles trop brutales pour lui ? Creusaient-elles dans son sang rouge un abîme ? Avait-il conscience d’une trahison envers la forêt ancestrale — si mes sup-