Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans tous les autres mots où l'e muet suit une voyelle accentuée, il ne peut ni compter comme syllabe, ni former diphtongue avec la voyelle qui précède ; il doit être élidé, ou prendre place à la fin du vers :

 
Aussitôt qu’à porté(e) il vit les contestants.

(La FONTAINE.)

 
Mais sans argent l’honneur n’est qu’une maladi(e).

(RACINE.)

Il en résulte que les mots où cet e muet est lui-même suivi de s ou de nt (aimées, croient) ne peuvent trouver place qu’à la fin du vers, puisque l’élision est impossible :

 
L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies,
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries.

(A. DE Vigny.)

 
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient ;
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient.

(CORNEILLE.)

Ces règles sur l'e muet n’ont pas été faites tout d’un coup ; elles se sont introduites peu à peu dans notre versification et probablement à partir du XVIe siècle. Au moyen-âge, l'e muet non élidé comptait dans la mesure du vers, quelle que fût sa place dans le mot.

 
Par maltalent tint l’espé-e d’acier.

(Chanson de Raoul de Cambrai, XIIe siècle.)

 
Les quatre parti-es du monde.

(RUTEBEUF, XIIIe siècle.)

 
Exilé-e de France et d’autres lieux.

(Alain CHARTIER, XVe siècle.)