Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/189

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même War-sa ! War-sa I Paotred-vad Breiz ![1] que nous entendîmes gronder, en 1870, aux quatre aires de la péninsule armoricaine. Ce ne sont là sans doute que des accidents chez Quellien. Comment n’être pas pris cependant à la tragique beauté de ces ternaires trop peu connus où crie la stérile lamentation d’une race de plus en plus asservie par l’alcool ?

Ils étaient une troupe de douze chevaliers, — accompagnant une princesse aux cheveux blonds ; — et ils étaient à festoyer dans une île.

Princesse Blondine versait à boire. — Elle mêla du sang de paon d’abord — à leur hydromel, pour les rendre plus légers.

Dans la deuxième écuellée (elle versa) du sang de vipère ; — et les voilà, au milieu de leurs beaux ébats, — de s’étrangler soudain comme des bêtes farouches.

Du sang de pourceau dans l’autre écuellée : et aussitôt ils tombèrent ivres-morts, — elle riant avec des regards mauvais.

Et, saisissant le korn-boud du roi, — elle sonna les Anglais… Et, depuis, — la Bretagne est asservie par un charme.

L’une de ces sônes, Ann ofer wenn (la messe blanche) est restée célèbre par le commentaire qu’en fit Renan dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Les douze coups de minuit viennent de tinter. Un ivrogne, couché dans la douve, aperçoit une procession d’âmes qui gagne en silence l’église ruinée de Saint-Michel, près de Tréguier. L’office commence. Le vent de nuit, par les arceaux brisés, fait vaciller la flamme des cierges.

Et, ensuite, aussi merveilleux encore — c’eût été d’entendre dans la nuit aveugle,

  1. Debout ! Debout ! Vaillants gars de Bretagne.