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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/195

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C’est un des traits pourtant de cette race fruste et primitive que son extraordinaire finesse, son aptitude au rêve et à la méditation. Ainsi, dans le granit celtique, s’ouvrent brusquement de merveilleuses fontaines d’une incomparable limpidité, d’un orient aussi pur que celui des pierres précieuses.

Hamon, comme Renan et Brizeux, témoigne de ces ressources cachées de la race, de cette tendresse frémissante sous une couche de superficielle barbarie. À cette âme de rêve, les durs labeurs de la mer et des champs ne convenaient qu’à moitié. Plus riches, ses parents l’eussent tourné vers le séminaire. Du moins ne tentèrent-ils point de contrarier sa vocation. Elle s’affirma de bonne heure ; à l’école, me disait sa sœur, il illustrait de croquis rapides, de fantaisies originales les marges de ses cahiers. Sans maîtres, livré à lui-même, il s’était trouvé. Entre temps, Gilles Hamon avait été nommé préposé des douanes à Saint-Malo, puis à Lannion où il prit sa retraite et s’établit cordonnier. Sa famille l’y suivit ; Angélique Quimper étant morte, Gilles Hamon, bien qu’âgé de 62 ans, convola en secondes

    d’aussi grotesque. On y comptait cent cinquante familles toutes nobles depuis le déluge. Maîtres et valets d’écurie, bergers et bouviers, tout était chapitral. On n’avait pas de pain, mais on avait une épée ; aux grands jours, les monseigneurs en sabots mangeaient le pied de bœuf au retour de la grand’messe, où l’étiquette du banc ou de l’eau bénite ou de la fabrique les avait gravement occupés. Et, par ci, par là, pour délassement, survenaient entre les augustes manans quelques jolis duels. » (Voyage dans les départements de la France.)