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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/205

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Il pleuvait fort cette nuit :
Le vent, le froid et l’orage
Contre l’enfant faisaient rage.
« Ouvrez, dit-il, je suis nu. »

Un caricaturiste, dans sa revue du Salon, remplaça les vers du poète par ces quatre mots plus grossiers que spirituels : « Il y a quelqu’un ». Ils portèrent le coup de grâce au pauvre Jean-Louis. Déjà malade et n’endurant qu’avec peine une existence qui lui était à charge, il eût sombré peut-être dans la folie ou le suicide, si l’affection d’une sœur plus jeune que lui de deux ans ne s’était trouvée à point pour le consoler, le rendre à lui-même, l’envelopper dans cette ouate de tendresse féminine si propre à tamiser les méchancetés du monde et à en affaiblir le douloureux écho.

J’ai connu personnellement Mlle Céleste Hamon. Je me souviens avec émotion de cette noble fille, frappée de cécité sur le déclin de l’âge et qui, retirée à Lannion près de ses vieilles amies, les demoiselles Gallet, s’était faite, après la mort de son frère, l’attentive gardienne de sa mémoire. Tant qu’il vécut, elle ne le quitta point. « Partons pour Rome », lui avait-elle dit au moment le plus douloureux de sa crise morale. Rome, l’Italie, l’atmosphère d’art qui fait de cette terre sacrée comme un grand musée du souvenir, ce fut le salut pour Hamon. Il s’y retrempa et de ce contact avec les maîtres de la Renaissance et de l’Antiquité sortit élargi et fortifié. Son génie, un peu mièvre, avait besoin de cette leçon de virilité. S’il en profita, on l’a pu voir par ce Triste Rivage, qui reste