Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/247

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Culpa trahit culpam, post culpam culpam revertit,
Et post tot culpas cogeris ire foras…

« Un mensonge en entraîne un autre et de mensonge en mensonge… » Hélas, pourrait-il s’arrêter à temps, prévenir les terribles effets du comminatoire distique ? Il l’essaya, mais vainement voulut-il s’attarder à l’alphabet, aux mutations et autres bagatelles de la sorte : quand les rudiments demandés arrivèrent à Riga, le jeune Russe avait marché d’un tel pas dans la connaissance du bas-breton qu’il était impossible de lui faire rebrousser chemin. Coûte que coûte, pour que sa supercherie ne fût pas dévoilée, il fallut que l’abbé continuât d’enseigner à son élève la langue de Nominoë et d’Allan Barbe-Torte. Le mal n’eût point été si grand, après tout ; mais le père du jeune Russe eut vent de l’installation d’un consul italien à Riga et, jaloux de contrôler les progrès de son fils, s’empressa de lui demander audience. L’abbé se vit perdu. Il fut sur le point de déguerpir et de planter là le consul, le jeune Russe et son père. La réflexion lui fit voir le danger de cette conduite. Le père l’avait chargé des présentations : il s’y prit si bien et dans un latin si volubile que personne n’y comprit goutte. Le consul répliqua en pur toscan ; le jeune Russe, croyant avoir mal entendu, y alla quand même de son petit compliment en bas-breton ; sur quoi le père, qui ne prenait point garde à l’étonnement du consul, grogna quelques mots de slave pour exprimer toute sa satisfaction. L’honneur était sauf et l’abbé, qui s’était hâté de lever la séance, reçut ce mois-là les appointements d’une année.