Aller au contenu

Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion. Beaux yeux des femmes, cernés de langueur, humides encore des voluptueuses délices de leur anéantissement en Jésus, qui saurait jamais vous oublier ! Ni l’Ascension ni Pâques n’ont des voluptés comparables. Et quel recueillement chez les hommes, ceux-ci debout, les bras croisés ou les deux mains dans leur gouriz[1] de toile rayée ! Comme ils ont conscience de l’exceptionnelle gravité du drame liturgique qui se déroule ! Comme ils savent de science certaine que, pendant cette messe sacrée, la création tout entière n’est qu’un miracle vivant ! Interrogez-les : jeunes et vieux vous certifieront que, durant l’élévation, l’eau des puits et des fontaines se change en gwin-ardent ; ils vous diront que, si un homme avait le courage de se blottir au fond du reliquaire entre l’évangile et le Credo, il ne tarderait pas avoir venir à lui le dernier décédé de l’année ; ils vous diront que toutes ces pierres levées qui hérissent le sol de Bretagne, menhirs, peulvans, dolmens, cromlec’hs, etc., quittent au même moment leur alignement séculaire et courent s’abreuver à longs traits dans la mer et dans les fleuves voisins ; ils vous diront qu’au Sanctus une chandelle s’allume partout où des richesses sont cachées, mais que, pour s’emparer de ces richesses, il faut avoir sur soi l’herbe d’or ou sélage qu’on cueille pieds nus, en chemise et en état de grâce ; ils vous diront qu’au premier coup de minuit la mer se retire au loin et que les villes englouties par elle, Is,

  1. Large et longue ceinture qui fait trois ou quatre fois le tour du corps.