Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/303

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Quand il mourut au Necoät, le soir du 15 novembre 1887, il était à peu près oublié en France. Mais en Bretagne, à Ploujean, sa paroisse, à Lesneven, son berceau, on ne connaissait que lui. Il était toujours le « général » par excellence, le vieil Africain à bec d’aigle, aux pommelles creuses, au menton volontaire et dur. Tan hen en doa enn daoulagat, « il avait un brasier dans les yeux », me disait un de ses fermiers. Ses saillies étaient la joie — et un peu la terreur aussi — de son entourage. Il en avait d’extraordinaires, un verbe cinglant et coupant, et de brèves images dont s’illuminait sa pensée. On connaît sa réponse à Alexandre II, qui lui faisait remarquer, à la cour, je ne sais quel attaché d’ambassade dont la physionomie rappelait Napoléon III :

— Frappant, Sire, frappant !… Oh ! mais, c’est à tirer dessus !…

Une autre fois, dans un cercle plus modeste, à un dîner de mariage où on lui offrait d’un certain poulet à l’impératrice

— Tout au plus à l’espagnole, dit Le Flô, qui recula son assiette…

Tenace dans ses rancunes et ses haines, bon jusqu’au sacrifice pour ceux qu’il aimait, tel, en effet, nous apparaît Le Flô. Il serait curieux que ce combatif, cet être tout de premier mouvement et d’instinct, ait été un croyant et, par certains côtés, presque un mystique, si nous ne savions que la rencontre