Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/340

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de quinze jours. À cheval, dès six heures du matin, malgré l’hiver, la neige, la pluie, la brume, il courait tout le pays pour rendre visite à ses électeurs ou les réunir dans des conférences publiques. L’habitude était alors de voir un par un les électeurs. Ils étaient près de trois cents, répandus dans un arrondissement extrêmement vaste, dans une région plus vallonnée qu’aucune autre et sans routes praticables. Il fallait essuyer là d’interminables controverses, s’asseoir à des banquets pantagruéliques, et, ce qui n’était pas moins terrible, faire tête à des santés qui comptaient autant de porteurs que de convives. Les visites à domicile n’étaient point le fort du candidat. Il concède lui-même qu’autant il l’emportait sur ses concurrents en séance publique, autant ils lui étaient supérieurs dans les controverses privées, où ils traitaient tour à tour d’agriculture, de religion et de chemins vicinaux. Autre supériorité : ils savaient le breton. Jules Simon l’avait oublié, si tant est qu’il l’ait jamais su. D’ailleurs son breton était du vannetais, qui passe pour le plus méchant des quatre dialectes. Bloc’haij, « c’est de la brocaille » disent dédaigneusement les euphuistes. L’éloquence naturelle du candidat suppléait à ces désavantages. Il triomphait dans les réunions publiques. Il triomphait même trop et faillit le payer cher : une réunion avait été organisée au bourg de Plestin, un dimanche, et l’on y avait convoqué par lettre tout l’arrondissement. Jules Simon était venu de Lannion, à cheval, avec cinq ou six amis et, d’une fenêtre de la mairie, avait harangué ses auditeurs qui remplissaient tout le cimetière, le leur-gear et les