Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/88

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si paresseux ou si revêches qu’ils n’entrent en composition qu’à la dernière extrémité, sous la menace des plus honteux traitements. On sait comment le père de Renan, dans son enfance, fut guéri de la fièvre : un matin, avant le jour, on le conduisit à la chapelle du saint qui avait cette maladie dans ses attributions. Un maréchal vint en même temps avec, sa forge, ses clous, ses tenailles ; il alluma son fourneau, rougit ses tenailles et, promenant le fer rouge sous le nez du saint :

— Si tu ne tires pas la fièvre à cet enfant, dit-il, je vais te ferrer comme un cheval.

Le père de Renan guérit ; le saint ne fut pas ferré. Il l’eut été sans rémission s’il n’avait pas obtempéré à l’ordre du maréchal. Les saints bretons, en quelque manière, sont encore des hommes et qui participent de l’humaine infirmité : ils souffrent, ils jouissent, ils s’emportent, ils aiment l’argent et ils redoutent les coups. La plupart sont la complaisance même ; mais certains ont l’oreille dure, l’assistance rétive ; on ne vient à bout d’eux qu’en les amadouant ou en leur faisant peur : tu me guériras ou gare à la bastonnade ! Dieu n’a rien à voir en tout cela. Le respect des fidèles le maintient soigneusement à l’écart de la discussion. Ces braves gens n’ont pas plus l’idée de recourir à lui en cas de conflit avec ses saints qu’au Président de la République en cas de conflit avec le garde-champêtre ou le percepteur de leur commune. Et voici un trait qui achève de peindre les saints bretons : ils sont effroyablement jaloux. « Jadis, raconte Alexandre Bouet, quand deux processions se rencon-