Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/90

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statue est en grande vénération dans toute la Cornouaille. Aussi bien ne ferez-vous point entrer dans l’esprit des Kernévotes que leur sainte Anne indigète soit la sainte Anne du reste de la chrétienté : — « Voire ! disent-ils. C’est la mère de sainte Anne d’Auray[1] et elle est bien plus puissante que sa fille. » À La Clarté, chapelle tréviale dépendant de Perros-Guirec, le recteur de la paroisse, il y a quelques années, pour une raison que j’ignore, crut devoir remplacer sur la claie d’honneur la Vierge de ce sanctuaire par la Vierge de Perros qu’il avait la veille amenée solennellement du bourg. C’est une habitude, en effet, qu’aux grands pardons les Vierges des différents sanctuaires se rendent visite de plusieurs lieues à la ronde ; mais, à la procession, c’est la Vierge patronale qui prend le pas sur les autres et à qui appartient la claie d’honneur. Le recteur n’avait pas pensé sans doute qu’en dérogeant à la tradition il pourrait indisposer Notre-Dame de la Clarté. « Il était nouveau dans le pays, me disait une couturière de la localité, Marie Lhévéder, et peu au courant encore de nos usages. Tout à coup, au moment où la procession sortait de l’église et quoiqu’il eut fait jusque-là un soleil magnifique — ce qui n’a pas lieu de surprendre un jour d’Assomption où, de mémoire de chrétien et à moins qu’il n’y ait quelque malheur dans l’air, il fait immanquablement le plus beau soleil de l’année —, une trombe de pluie et de vent s’abattit sur le

  1. La statue miraculeuse de N.-D. d’Auray ne fut découverte qu’en 1625 dans le champ du Bocenno.