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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/356

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conquête normande, elle n’a point distingué ou plutôt elle a tout rapporté au héros de son choix. Après douze cents ans, son ombre domine toujours le paysage. Fictives ou réelles, ses aventures sont les seules qui nous émeuvent.

Ici, le soir de son couronnement, Artur mena la blanche Genièvre et reçut les envoyés de Rome qui venaient lui demander tribut. Il était assis « sur un siège de joncs verts, un tapis de paile jaune-rouge sous son coude ». Ses cent cinquante chevaliers l’entouraient, et il avait encore auprès de lui son fou Dagonet, son chien Kawal et cet énigmatique Merlin, personnification de la race celtique, né d’un incube et d’une nonne, qui lui avait apporté la veille l’épée Escalimbor. La poignée du glaive était d’onyx ; la lame d’acier clair pareil à tous les aciers ; mais, dans la bataille, elle s’irisait magiquement des sept couleurs de l’arc-en-ciel. Comme Merlin rôdait au bord de la mer, Escalimbor était sortie des eaux, brandie par une main qui disparut après l’avoir lancée vers le barde. Il la reçut à genoux, la baisa et la porta au roi. Les belles « emprises » qu’elle réservait au noble prince ! Epée du fort, tu serais aussi l’épée du juste, et ta lame n’étincellerait que pour le service du droit. Dix ans elle besogna au poing d’Artur, la fulgurante, la loyale épée. Mais un jour vint où l’acier de la lame se ternit. Artur livrait bataille à Modred. Il était las et triste ; des remords le troublaient : lui, le paladin du droit, le soldat de Dieu et de Notre-Dame, il avait laissé, par sa faiblesse, le dol et la débauche s’installer dans sa cour. Ses meilleurs chevaliers étaient morts ; Lancelot