Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/169

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Souvenirs d’un Bas-Breton. Excellents ouvrages qui suffisent amplement à la gloire de leur auteur ! Aussi bien ne sais-je pas d’écrivain chez qui le vieux mythe d’Antée trouve une application plus directe : chaque fois qu’il descendait de son évangélisme et touchait le granit natal, Souvestre recouvrait instantanément cette vigueur et cette saveur si remarquablement absentes du reste de son œuvre ; dès que la « vertu celtique » ne le soutenait plus, il redevenait le plus fade, le plus lymphatique, le plus mortellement ennuyeux de tous les écrivains de sa génération.

Qu’on ait fait en Suisse un succès à cet écrivain-là, je le veux bien et je le conçois parfaitement. Il n’est pas moins vrai que — littérairement parlant — le plus grave mécompte qui pouvait arriver à Souvestre était de déserter sa tradition et sa race. On n’a rien négligé autour de lui pour l’y aider et il me faut bien ajouter que le caractère même de l’auteur offrait une prise singulière à la passion zélatrice de ses nouveaux amis.

Que nous sommes loin de Renan et de l’heureux, du souriant tempérament trégorrois ! C’est un hasard qui a placé le berceau de Souvestre sur la rive droite du Queffleuc’h. Moralement et physiquement, l’homme est léonard de la tête aux pieds ; il a, de cette race austère et triste, le front carré et l’humeur puritaine. J’ai toujours été surpris que la Réforme ait fait si peu d’adeptes dans le Léon. Le clergé catholique, qui s’y est montré plus que partout ailleurs, au XVIe siècle, l’ennemi des danses et des chants, qui y a éteint toute inspiration profane, qui y a interdit les veillées, qui y a proscrit du costume féminin les galons et les colifichets, semblait préparer inconsciemment le terrain à quelque Wesley ou à quelque