Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’entends comme un bruit de crécelle :
C’est la male heure qui m’appelle.
Dans le creux des nuits tombe un glas, deux glas.

J’ai compté plus de quatorze heures.
L’heure est une larme. — Tu pleures,
Mon cœur ?… Chante encor, va ! Ne compte pas.

C’est du Verlaine tout simplement et du meilleur, Et c’est du Verlaine d’avant Verlaine. Quand Corbière écrit : « Il pleut dans mon foyer ; il pleut dans mon cœur », cela ne vaut pas sans doute le délicieux, l’inoubliable andante :

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville…

Et cependant, plus que l’octosyllabe de Rimbaud qui leur sert d’épigraphe, le pauvre vers boiteux des Amours jaunes ne fait-il pas songer à ses frères ailés des Romances sans paroles ?…

Il ne faut pas s’exagérer sans doute l’influence de Corbière sur Verlaine. Il ne faut pas davantage la contester : par tout un côté de son génie étrange et maladif, Corbière a certainement retenti sur Verlaine en 1883, comme Rimbaud en 1871. Et il a retenti du même coup sur toute l’école décadente et symboliste. Tel lui a pris sa blague gamine ou féroce, qui pouvait être d’essence baudelairienne, mais qui était bien quelquefois aussi du bel et bon esprit français, comme quand Corbière appelait Hugo « garde national épique » ou quand il parodiait à la Banville, mais avec plus de gaieté véritable, de libre et naturel humour, les Orientales de l’ancêtre :

N’es-tu pas dona Sabine ?
Carabine ?
Dis : veux-tu le paradis
De l’Odéon ? Traversée
Insensée !
On emporte des radis…