huit ans, Marie-Angélique-Aspasie Puyo. On a vu des mariages plus disproportionnés et dont les fruits n’avaient rien d’amer. C’est à cette disproportion d’âges cependant que Tristan Corbière attribuait sa disgrâce physique et les terribles crises de rhumatismes qui le déformèrent dès l’âge de seize ans. Il avait été jusque-là un enfant très normal et même presque joli, — autant qu’on en peut juger du moins par une photographie de l’époque qui le représente en costume de lycéen : la maladie en fit une pauvre caricature d’homme, l’espèce d’Ankou, de spectre ambulant, dont se moquaient les Roscovites et qui, par bravade, put bien se draper dans sa déchéance, mais non la pardonner complètement à ses auteurs réels ou supposés. Tout le caractère et l’œuvre elle-même de Corbière, où tant d’ironie tapageuse est mêlée à tant d’amertume secrète, s’expliquent par une rancune de paria. Aux premières atteintes du mal, sa mère l’avait conduit dans le Midi. Mais la lumière effarouchait ce maigre oiseau des brumes, et la Bretagne, d’ailleurs, n’a-t-elle pas aux portes mêmes de Morlaix, l’équivalent des stations méridionales les plus tempérées ? Sur les conseils d’un médecin de la famille, Roscoff fut substitué à Cannes, et Tristan n’en bougea plus jusqu’en 1868. Il prenait ses repas chez un restaurateur de la localité, M. Le Gad, qui vit encore et qui lui a gardé le plus indulgent souvenir ; des artistes, Hamon, Michel Bousquet, Besnard, Charles Jacques, fréquentaient en été la pension Le Gad. Tristan les amusa par son humeur fantasque et un talent de caricaturiste qui, à s’en référer aux quelques spécimens dont nous avons pu avoir connaissance, notamment au portrait d’un capitaine blohaic’h (morbihannais), peint sur panneau et conservé chez
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