Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/278

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aussi versatiles que parce qu’ils sont un peu plus fins et beaucoup plus désintéressés que le commun de leurs semblables. Et peut-être aussi ce que La Bruyère dit du cœur que, seul, il concilie les choses extrêmes et admet les incompatibles, s’appliquerait-il assez bien aux Celtes qui sont avant tout des sentimentaux, — même quand ils font de la logique, comme Le Dantec.



II.

SUR LA MORT DE FÉLIX LE DANTEC.
(Liberté du 9 juin 1917).


Avec quel déchirement j’écris ce nom en tête de mon article ! J’ai perdu le plus cher de mes amis, mon plus ancien compagnon, car nous nous connaissions depuis l’enfance, et je voudrais m’isoler dans mon chagrin, en épuiser à l’écart toute l’amertume.

Cette satisfaction égoïste m’est refusée. Le public a le droit de savoir ce qu’était l’homme qui vient de disparaître, la grande perte qu’ont faite en lui la science et les lettres françaises. Je suis mal qualifié sans doute pour parler du savant. D’ailleurs, de très bonne heure, Le Dantec avait abandonné les recherches pures de la biologie pour la philosophie des sciences ; son cerveau était tourné vers la synthèse. Pasteur, qui l’aimait comme un fils, l’avait chargé de fonder un laboratoire à Sao-Paulo pour l’étude de la fièvre jaune. C’était au plus fort de l’épidémie. Il avait vingt-trois ans, l’âge des épanouissements sentimentaux. Les hôpitaux regorgeaient. Il vécut dix-huit mois, comme un chartreux, au milieu de