Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/304

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grâce devant ce juge sévère et qu’il en eût goûté tout au moins l’émouvante sincérité. Et lui aussi, d’ailleurs, était de l’Argoat et, sinon de Plounévez-Moédec, d’un terroir presque contigu : l’ombre du Ménez-Bré, après qu’elle a couvert les futaies de Porz-en-Park, n’a pas grand chemin à faire pour atteindre la girouette de Keramborgne[1] ; c’est du même belvédère géologique — et spirituel — que les deux auteurs ont vu la Bretagne et qui a lu chez l’un la ballade du seigneur de Penanstank, cet évêque interdit que la vindicte populaire s’est plus à loger pour l’éternité dans la « bouillie » d’un marais voisin et dont Albert Le Grand se borne à dire, dans son Catalogue des Évêques de Cornouaille, qu’il fut enterré « sans enfeu ni épitaphe », n’est pas très étonné de découvrir chez l’autre l’aventure, guère plus édifiante, de l’abbé Chuidic, victime de son penchant immodéré pour l’alcool et traînant sa soutane de cabaret en cabaret. Évocations pénibles, mais nécessaires peut-être, imposées par le même esprit de probité historique qui est leur grande marque à tous deux et rachetées d’ailleurs, chez des Cognets comme dans les recueils de Luzel, par tant de peintures ineffables, d’effigies virginales, voire proprement angéliques, telles qu’on n’en rencontre plus qu’au fond de la Cornouaille et dans les fresques des Primitifs. Nous rentrons ainsi dans la Bretagne traditionnelle, dont nous ne nous étions pas tant écartés, malgré l’apparence, et qu’il ne faut pas confondre avec la Bretagne conventionnelle ; nous retrouvons l’autre « aspect essentiel » de l’âme bretonne : la rêverie, l’inclination mystique. Jean

  1. Voir au tome II de L’Âme bretonne : de Keramborgne à Pluzunet.