Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/110

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étrangère s’affirmait devant lui et il ne trouvait rien à répliquer. Se rendait-il compte de ce qui se passait ? Comprenait-il vaguement que c’était de sa faute, qu’il avait amoindri en lui la dignité paternelle et que Francésa n’était si forte que parce qu’elle sentait cet amoindrissement ? En d’autres temps, il aurait écrasé d’un mot une révolte de fille à père ; maintenant il reculait, désarmé, vaincu, devant cette protestation d’une conscience. C’était sa race qui se levait devant lui, sa race morte avec lui et qu’il voyait revivre par-dessus lui, haute de tout ce qui lui manquait de désintéressement et de fierté, dans cette dernière-née des Kerhu-Lanascol. Et, par une corrélation mystérieuse, il sembla tout à coup que sa belle vigueur physique l’abandonnait avec son énergie et sa volonté ; il se tassait sur lui-même comme pris d’une subite décrépitude ; il agitait des mains égarées ; il remuait ses lèvres à la manière des vieilles femmes en enfance ; ce fut de leur voix lointaine et brouillée, leur voix d’inconscience, qu’il murmura en s’affaissant sur la table :

— Fais à ton idée, Francésa, ma fille…