Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/114

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Ils s’arrêtaient, pour commencer leurs dévotions, à la croix qui est devant la chapelle sur une petite butte rocheuse ; on les voyait qui s’agenouillaient à la file, les femmes sur un mouchoir qu’elles étendaient par terre pour ne pas salir leurs jupes, et d’autres, des hommes aussi, qui avaient un vœu à remplir et qui ne devaient recevoir la communion qu’après avoir fait trois tours de cimetière en récitant leur chapelet. Prigent s’arrêta comme eux à la croix. Il ne fit point attention que Coupaïa et Salaün étaient à deux pas de lui et que d’un groupe voisin émergeait la haute stature de Le Coulz. Il récita seulement un pater et un ave et se releva pour entrer à l’église. Une ligne de mendiants bordait les deux côtés du parcours, les mêmes dans tous ces lieux de pèlerinages, tribu voyageuse d’ataxiques, d’aveugles, de culs-de-jatte, d’idiots en longues robes sous la conduite de petites filles, et, dans le tas, des têtes, des torses entiers mangés de cancer, des moignons en pourriture, un indicible grouillement d’ulcères, de difformités tendues jusqu’à l’exagération, et d’où montait sans discontinuer la même plainte, la même supplication pitoyable, sur toutes les gammes de la voix humaine.