Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/116

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but encore, et, de verre en verre, sans prendre garde, laissa dans les pots toute sa prud’homie.

C’était assez rare chez lui. Du reste, ses voisins étaient dans le même état ou pire, et personne n’y fit attention. L’auberge ne désemplissait pas. Un ronflement de foule venait de la grande route où les branles avaient commencé ; près de l’auberge même, devant un carreau de vieille toile qui leur servait d’éventaire, une famille de chanteurs ambulants psalmodiaient le « gwerz » de saint Golgon. La mélopée traînait, traînait, et tout d’un coup, piquant le rythme, une note partait, suraiguë, sauvage, pareille à un cri de pluvier, et d’où la voix, comme cassée, retombait brusque au plain-chant…

Mais tous les bruits du dehors se noyaient dans la rumeur de la tente. Ces voix de paysans, sourdes et douces dans leur registre naturel, avec l’eau-de-vie s’enflaient, grossissaient jusqu’au meuglement, éclataient comme des outres crevées. Les servantes n’y entendaient plus. Des coups de poing ébranlaient les tables, chaviraient les verres, et, pour des riens, pour appuyer une parole, pour une carte mal jouée, ou simplement par réflexe chez les buveurs