Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/122

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pissait, ne le quittait pas en esprit. Elle le suivait sur les routes, au manoir, à la ville ; elle assistait, invisible et muette, à chacun de ses actes ; elle l’entendait parler ; elle le voyait qui franchissait le porche, qui saluait Prigent, qui caressait Francésa. De son visage elle descendait jusqu’à son cœur ; elle habitait comme en lui et elle aurait pu dire chacune des pulsations qui l’agitaient. Puis, subitement, un horrible retour sur elle-même. Ah ! Va Doué ! ses prières, ses macérations, tant de veilles, aboutir là ! Il vivait, il était devenu encore plus riche, il allait épouser Francésa Prigent ! Elle le tenait de la bouche même de Francésa. L’enfant, de moins en moins défiante, venait quelquefois à Morvic, et si heureuse, si jeune, si belle, qu’aucun spectacle n’avait jamais tant fait saigner la plaie de son âme.

Sur la lande, dans l’approche du soir, voilà Môn-ar-Mauff qui allume des feux et qui attise la flamme avec des gestes circulaires. Ah ! Môn est plus forte qu’elle, que tous les saints et toutes les prières ; les planètes tournent à son commandement ; elle sait les paroles magiques qui font rouler l’or dans les sacs ; elle a ensorcelé d’amour la pauvre Francésa… C’est fini.