Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/128

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par la statue d’un saint étranger, dont les attributions nous sont inconnues et qui ne peut pas nous aimer ni nous servir, certes, puisqu’il n’est pas du pays… Mais le dernier coup, ma fille, c’est que le pèlerinage de justice, l’assignation à Saint-Yves-de-Vérité, ait été interdit. Il y a de cela cinq ou six ans. C’était la place dévote la plus fréquentée de Bretagne ; non point qu’on en parlât beaucoup (son nom était évité comme un mauvais signe dans les conversations des gens), ni qu’elle donnât lieu à un pardon plus rare que les autres, je ne sais même pas s’il y avait un pardon de Saint-Yves-de-Vérité. Mais le mystère dont elle s’entourait n’était pas pour nuire à son crédit. Bien au contraire. On s’y rendait de partout ; seulement les gens s’y rendaient avec précaution, de nuit, et même, pour détourner des curiosités gênantes, la plupart préféraient charger quelque pauvresse comme moi d’y porter les vœux secrets de leur cœur… C’était le bon du métier. Moi qui te parle, j’ai eu jusqu’à trois écus d’une seule personne, rien que pour me rendre à Saint-Yves-de-Vérité et en revenir comme j’étais allée, les lèvres closes… Tu ne me crois pas, peut-être. Ma fille, il faut que je te le dise,