Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/133

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vant, le recteur l’avait fait enlever et personne que lui ne savait ce qu’elle était devenue.

Alors, sur la grand’route qu’envahissait la tombée du soir, pareille à une femme ivre, Coupaïa s’en revint. Combien de temps était-elle restée dans le fossé ? Quand la mendiante était-elle partie ? Elle ne l’aurait su dire. Et elle ne savait pas pourquoi non plus, au retour, elle avait pris vers Trégastel, quand la traite était moins longue par Landrellec.

Elle ne pensait plus, ne vivait plus. Elle marchait dans une hébétude complète de ses sens.

À l’entrée du bourg, elle alla heurter contre le timon d’une charrette, et, tout étourdie encore du choc, elle eût roulé sous l’attelage, si, d’un preste revers de main, le charretier n’avait eu le temps de la coucher de son long dans la douve.

Elle y demeura quelques minutes sans bouger. Le charretier eut peur et s’approcha. Sa tête était tournée de moitié vers la terre. Une longue bave pourpre pendait de ses dents, et elle était jaune comme une morte. Il la retourna la face à la lumière, et presque aussitôt elle ouvrit les yeux. Et alors ils se sentirent pris