Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/153

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de tuiles roses, elle s’égaye d’un pied de vigne et de deux gros bouquets de fuchsias qui secouent leurs pendeloques aux deux côtés du seuil. Sur le linteau de la porte on lit, en caractères romains : « 1840 F. F. (fait faire) par Yves Omnès. » Yves Omnès était le père de Philippe. La maison devait être primitivement flanquée d’un four, car on l’appelle encore la ty-forn ; Philippe y vivait avec sa mère, restée veuve, et c’était bien la maison qui convenait à ce garçon charmant, bien découplé, vif et rieur, ne boudant pas plus à l’ouvrage qu’à la danse, très pratique, mais très droit en affaires et dont j’ai retrouvé l’éloge sur toutes les lèvres[1]. Fiancé à une jolie pennérez (héritière) de la paroisse, Mélanie Tilly, il comptait se marier à la fin du mois : les bans allaient être publiés ; par acte passé devant notaire le 7 juillet précédent, Philippe s’était rendu acquéreur des biens de sa mère, de son beau-frère et de sa sœur, ce qui portait sa fortune personnelle à 10 000 francs. Grosse somme pour l’endroit ! Mélanie possédait de son côté quelque avoir – et des « espérances ». La veille du 2 septembre 1882, Philippe travailla dans une ferme voisine, le convenant Guyader, où l’on battait le blé. Il y porta le sien, qu’on battit après celui du convenant et dont le grain fut provisoirement remisé dans une grange attenante qui n’avait pas de clôture. Quelqu’un lui fit remarquer qu’il n’était guère prudent d’exposer ainsi sa récolte ; à quoi la

  1. Pierre Menguy, maire d’Hengoat, dans sa déposition, dit qu’ « il était le modèle de la jeunesse ».