Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion qu’un plaideur s’adresse directement à saint Yves et, le plus généralement, il recourt à l’intermédiaire d’une pèlerine de métier, coutumière de ces missions clandestines et qui connaît sur le bout du doigt la procédure à suivre pour se faire écouter du saint. Procédure secrète en outre, pleine de rites bizarres et qui paraît avoir comporté d’assez nombreuses variantes, sauf en ce qui concerne la formule d’adjuration[1]. Il n’en pouvait être autrement d’une pratique qui n’a rien d’officiel ; encore n’est-ce pas assez dire, puisque le clergé, de tout temps, condamna l’adjuration à saint Yves-de-Vérité et qu’en fin de compte, ne pouvant obtenir la cessation des pèlerinages nocturnes à l’oratoire de ce saint, il prit le parti de supprimer l’oratoire lui-même.

La chose remontait à quelques années déjà et, chez les « pèlerines par procuration », comme on appelle en Bretagne les membres de cette corporation équivoque et vaguement redoutée des pèlerines de profession, elle n’était pas sans avoir fait scandale. Plus d’une maudissait in petto l’auteur de la démolition, le courageux abbé Kerlo, recteur de Trédarzec. L’ossuaire de saint Yves ne faisant point partie du domaine ecclésiastique, il avait fallu obtenir le consentement de la propriétaire, Mlle Pécault, qui le donna de bonne grâce : à la fin de 1879, il ne restait plus du sinistre

  1. C’est ainsi que la petite-fille du fermier qui avait le dépôt de la clef nous disait que, dans son enfance, elle avait vu par la lucarne des pèlerines, devant la statue du Justicier, « disposer des épingles en croix dans leur main ».