Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/177

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chez un cultivateur du nom de Gouriou ; Marguerite, sitôt le crime découvert, lui dépêcha la femme Guyomard avec un billet ainsi libellé : « Yves-Marie, viens vite à la maison : Philippe Omnès est tué. – Marguerite. » Bien que ce billet n’eût rien de compromettant et qu’on ne pût lui reprocher que la sécheresse de sa rédaction, Marguerite avait recommandé à la messagère « de ne le lire ni de ne le montrer à personne ». Yves-Marie ne manifesta aucune émotion en le recevant.

— Il le plaça entre sa chemise et sa blouse, dit le témoin, et ne s’en préoccupa point davantage, malgré mes avis. Je m’en revins au bourg sans presser le pas. Néanmoins, j’y arrivai encore avant Yves-Marie qui était à cheval.

Marguerite, dans l’intervalle, s’était rendue au convenant Guyader. Tous les yeux l’observaient. La mère de la victime était déjà sur place.

— Non seulement, dit la femme Trémel, Marguerite ne donna aucun signe de douleur, mais elle ne trouva pas une parole de pitié pour sa mère. Elle se contenta de dire qu’elle allait prévenir son mari. « Il n’y a pas besoin de lui », répondit la veuve Omnès.

Tant de sang-froid, une maîtrise de soi si persistante ont fourni à la défense un de ses arguments les plus contestables, mais dont l’effet fut très grand sur les jurés. « De vrais coupables, s’écria Me Lebrun, eussent joué la comédie des larmes ! Marguerite et Yves-Marie n’aimaient pas leur frère qui leur avait fait tort » n’éprouvant de sa mort qu’un chagrin relatif, ils ne croient pas nécessaire de feindre une émotion qu’ils