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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/180

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— Tu as bien fait. Ils ne t’avaient peut-être invitée que pour qu’il t’arrivât un accident. Ces G… sont capables de tout.

C’était l’opinion générale à Hengoat. Aussi n’y eut-il qu’un cri après la découverte du cadavre : « Ce sont les G… qui ont fait le coup ! » Et d’autres que la veuve Bomboni ne se gênèrent pas pour les traiter en pleine face d’assassins. L’altière Marguerite, à ces accusations, n’opposait d’abord qu’un silence dédaigneux, et le fait est que ses actes répondaient pour elle : sans affecter à l’endroit de la victime une tendresse qu’elle ne ressentait pas et uniquement pour accomplir ses devoirs de sœur, elle-même avait couché Philippe dans son linceul et fourni les épingles pour son ensevelissement ; le repas des funérailles devait se donner chez elle et à ses frais[1]. Plus tard, énervée par le défilé des commères, qui, l’une après l’autre, en venant charger leurs tabatières, lui décochaient quelque trait de leur façon, elle prit une attitude agressive ou sarcastique et, finalement, à son tour, d’accusée se fit accusatrice.

— Tu dois savoir, dit-elle un matin à la veuve Bomboni, qu’il y avait de la chandelle chez les Chapelain

  1. « Le 2 septembre, à la brume de nuit, j’allai prendre du tabac chez les G… Rendue dans la cour, je dis à Marguerite : « Tu es bien hardie. – Pourquoi ? – Comment pourquoi ? Tu as eu l’audace d’ensevelir ton frère et de donner des épingles pour son ensevelissement après l’avoir tué ! Tu prépares un repas de réjouissance, toi qui as tué ton frère ! » Son mari, qui arrivait à ce moment, avait une figure effrayante. » (Déposition de la veuve Le Corre.)