Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/182

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même coupable – ce qui n’a pas été prouvé – elle pouvait croire encore une fois qu’elle n’avait été que l’instrument de la vindicte céleste. Concevrait-on autrement qu’une âme aussi imprégnée de toutes les vieilles superstitions de la terre celtique ait osé s’adresser aux puissances d’En-Haut pour faire éclater son innocence ou, à tout le moins, détourner le cours de la justice humaine ? Parmi les pauvresses de la paroisse se trouvait une veuve Le Goaziou, qu’on employait de temps en temps, comme Catherine Le Corre, à des pèlerinages par procuration.

— Quelques jours après l’assassinat de Philippe, déposa cette femme, Marguerite me dit qu’elle avait besoin d’envoyer trois cierges à Notre-Dame de Bon-Secours de Guingamp et me demanda si je voulais me charger de la commission avec une autre pèlerine de la paroisse. Il s’agissait d’implorer le ciel pour la découverte des assassins de Philippe Omnès et la justification des innocents qu’on accusait de sa mort. J’acceptai et m’adjoignis la veuve Conan. La veuve Le Corre, avec qui j’en causai, ne voyait pas d’un bon œil ce pèlerinage ; elle me conseilla d’y renoncer. « C’est une vilaine affaire, » me dit-elle. Mais il était trop tard pour me dégager. Marguerite, au moment du départ, me remit vingt-cinq centimes pour le tronc de la Vierge et vingt centimes pour celui de saint Yves. C’est la veuve Conan qui, pendant que j’étais en prière, alluma les cierges : au bout de quelques instants ils s’éteignirent. Nous les rallumâmes une seconde, puis une troisième fois et ils s’éteignirent encore. Alors nous sor-