Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/184

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La première partie de la prédiction au moine se réalisa. Comme le bedeau lui tendait le goupillon pour en asperger le catafalque, Yves-Marie G…, qui n’avait pas osé se mêler au cortège et que l’un de ses frères était allé prévenir de l’arrivée du corps à l’église, fut pris d’une syncope et s’abattit sur les dalles. Mais sa femme veillait. Elle se précipita pour le relever. « Ainsi, me disait la veuve Boucher, qui me faisait ce récit dans la vaste cuisine de l’auberge où habitait Marguerite et où se tinrent tant de mystérieux conciliabules, l’aveu du crime ne put être recueilli. »

Telle est la véridique histoire du Crucifié d’Hengoat, comme les journaux du temps baptisèrent la ténébreuse affaire qui passionna pendant huit mois l’opinion bretonne et qui se termina par l’acquittement des accusés. Mais, si les auteurs du crime sont restés inconnus, laissant un vide, d’ailleurs facile à combler, dans cette grande fresque barbare où gravite autour de saint Yves-de-Vérité la plus étrange théorie de pèlerines, de mendiantes et de veuves qui ait jamais paru au grand jour d’une audience de cour d’assises, les circonstances qui accompagnèrent l’accomplissement de ce crime mystique, l’heure, le lieu, la nature de l’attentat, la physionomie sauvage des accusés, l’espèce de lueur d’enfer qui enveloppe tout le drame, c’est plus qu’il n’en faut, je pense, pour expliquer l’émotion du public et qu’après trente-deux ans le souvenir de Philippe Omnès soit aussi vivant dans la mémoire populaire qu’au lendemain de son assassinat.

Je n’étais moi-même qu’un adolescent à l’époque du