Page:Le Grand Meaulnes.djvu/300

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étouffés qui accouraient. Quelqu’un que je ne connaissais pas — et qui était le médecin de Vierzon — m’ouvrit :

— Eh bien, qu’y a-t-il ? fis-je vivement.

— Chut ! chut ! — me répondit-il tout bas, l’air fâché — La petite fille a failli mourir cette nuit. Et la mère est très mal.

Complètement déconcerté, je le suivis sur la pointe des pieds jusqu’au premier étage. La petite fille endormie dans son berceau était toute pâle, toute blanche, comme un petit enfant mort. Le médecin pensait la sauver. Quant à la mère, il n’affirmait rien… Il me donna de longues explications comme au seul ami de la famille. Il parla de congestion pulmonaire, d’embolie. Il hésitait, il n’était pas sûr… M. de Galais entra, affreusement vieilli en deux jours, hagard et tremblant.

Il m’emmena dans la chambre sans trop savoir ce qu’il faisait :

— Il faut, me dit-il, tout bas, qu’elle ne soit pas effrayée ; il faut, a ordonné le médecin, lui persuader que cela va bien.

Tout le sang à la figure, Yvonne de Galais était étendue, la tête renversée comme la veille. Les joues et le front rouge sombre, les yeux par instants révulsés, comme quelqu’un qui étouffe, elle se défendait contre la mort avec un courage et une douceur indicibles.

Elle ne pouvait parler, mais elle me tendit sa main en feu, avec tant d’amitié que je faillis éclater en sanglots.