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Plus amoureusement que la vigne n’enchaîne
De ses branches l’ormeau, son infécond mari,
Plus unis que le lierre au tronc noueux du chêne,
Les deux amants, couchés sur le gazon fleuri,
Entrelacés, bruyants dans leur fougueuse ivresse,
Et muets tour à tour,
Échangent longuement la sublime caresse
De leur premier amour.
Tandis que, dans l’ardeur qui confond leurs deux âmes,
Les paroles, les yeux, les baisers, les soupirs,
Comme autant de sarments qu’on jette au sein des flammes,
Alimentent sans cesse et doublent leurs désirs,
En mille doux transports la Déesse éperdue,
Jalouse d’un bonheur qu’elle a connu si tard,
Enveloppe des yeux la céleste Étendue,
Menaçant tous les Dieux du geste et du regard :

« Oh ! quel destin, dit-elle, et quelle erreur fatale
« M’ont fait passer mes nuits à courir les grands bois.
« Pour exercer mes chiens, pleins d’une ardeur brutale,
« Sur les pas d’une biche ou d’un cerf aux abois ?
« Ô passé que j’exècre ! ô courses inutiles !
« Je compte les moments que vous m’avez coûtés,
« Et qui m’auraient valu des plaisirs moins futiles,
« Si mon Endymion vous les avait ôtés !
« Toi, par qui le plaisir a pénétré mon être,
« Pour payer ce passé qui ne peut revenir,
« Avec tout mon amour, prends tout mon avenir ;
« Je t’en donne le soin, et t’en laisse le maître…
« Chaque soir, — tu m’entends ? — pour toi je descendrai
« Dans ces prés où l’Amour jeune et fort nous invite ;