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enthousiasme

vigoureusement, le malheureux : Lavé la vaiselle, lui tombe toujours sous la main. À mesure que le carême s’allonge, son enthousiasme pour cette pénitence baisse. Si bien qu’il faut lui pardonner, mais il lui arrive, de remettre parfois le papier dans la boîte, de mêler de nouveau, et d’avoir ensuite le bonheur de tirer une résolution moins difficile comme par exemple : EN DURE MES MISERES. Isabelle qui, en vérité, n’avait pas touché de près les misères, a bientôt l’occasion d’apprendre que la vie peut être terrible. Dans la banlieue qu’elle habite, tout le monde semble plutôt heureux. Les maisons sont si gaies, avec leurs volets de toutes les teintes, les cheminées qui fument joyeuses en hiver, et les beaux jardins en été, et le lac et les beaux arbres. Mais elle vient un jour en ville, avec sa mère, parce qu’elle a besoin d’un manteau et de bottes. Isabelle sort sautillante de chez Dupuis, ravie de ses achats, quand subitement, elle s’immobilise. Elle vient d’apercevoir le pauvre cul-de-jatte qui vend des crayons, assis dans la boue, et si mal vêtu. Elle se retourne vers sa mère, pâle, et avec de grosses larmes qui coulent pressées sur ses joues :

— Oh ! maman, maman, donne-moi de l’argent.

Elle va mettre son offrande dans la vieille casquette, et pour la première fois de sa vie, elle marche ensuite gravement, les yeux agrandis parce qu’elle a vu l’horreur d’une vraie misère.

La sensibilité, le bon cœur d’Isabelle sont d’ailleurs chose connue même d’elle-même, sans doute, car si elle a mis dans ses résolutions : dire