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LA MAISON

de ses chers sapins, voici la trainée de champignons, de jolies chanterelles jaunes, poussées en rond, gaiement, abondamment. Elle se penche et cinq minutes après son panier est plein. Elle n’est encore qu’au pied de la montagne, à ce petit carrefour d’où partent trois chemins ; deux qui montent différemment au sommet du mont Sainte-Anne ; l’autre, qui, sous la fraîcheur plus profonde du bois, va jusqu’à la grotte.

Elle hésite. En se détournant, elle voit toujours la mer, la mer d’un bleu incroyable !

Les pêcheurs viennent de rentrer, les goélands affamés s’abattent sur ses vagues, volent, tournent, plongent, virevoltent, ou, en nuée, planent, leurs grandes ailes blanches lustrées de soleil. Dans ses rêves les plus magnifiques, jamais Lucette n’avait rien vu de plus merveilleux.

Elle reprend le sentier. Au parfum de la résine et des champignons, une brise de mer vient mêler l’odeur saline de l’eau. Elle aspire, gourmande. Levant les yeux, elle voit le ciel entre les têtes pressées des conifères : des épinettes de deux teintes de vert ; le bout des branches est bleuté ; elle en brise un petit rameau, et triturant la blessure du bois, elle parfume ses doigts.

Miracle. Ce parfum, comme un philtre, la rend soudain indiciblement heureuse. Elle ne voit plus nulle part de souci qui vaille