qu’elle s’y arrête. Toute cette nature est si belle, si bonne ; elle l’enveloppe, la tient, la préserve, la console comme l’amour ou l’amitié, l’enivre assez pour qu’elle oublie le monde, ses mesquineries, ses misères ; elle remercie le bon Dieu, elle le félicite. À certains moments, déjà, elle a eu grande envie de lui en vouloir un peu, de discuter la sagesse de son administration. L’heure radieuse maintenant lui explique tout. Elle se répète : « Quand tu seras malheureuse ou ennuyée, revois cela, et souviens-toi de ce que tu as ressenti ».
Son petit sentier est devenu abrupt. Il n’y a plus de champignons ; dans les fourrés luisent de grosses framboises ; tout est silence, à part le bruissement de la brise dans les feuilles, et le murmure des vagues au loin. Le sentier oblique et soudain c’est le sommet : la mer bleue de nouveau et le vent retrouvé ; le grand rocher qui semble petit ; l’île Bonaventure qui ne semble plus qu’un ovale de verdure allongé sur l’eau. Lucette regarde vers la baie des Chaleurs. Elle reconnaît les anses, par des points de repère ; la forme d’une montagne ou d’un banc de sable, ou d’un quai. Elle resterait bien longtemps, étendue dans l’herbe à regarder ; mais le village est aussi à ses pieds ; ses chemins roux, le damier propre de ses champs, les habitations. La cloche des pêcheurs sonne midi. L’église aussi sonnera