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AUX PHLOX
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sa juvénile indignation devant les malhonnêtetés humaines. Et Maryse ne dit rien, ne dit jamais rien et rêve, et laisse voir, — quand elle oublie que les autres sont là, — qu’elle est triste parce que la vie ne donne pas ce qu’on en veut, que tant de choses ne sont pas ce qu’on les voudrait.

Lettres et journaux sont partagés. Marie se plonge dans un livre qu’elle a reçu. Le silence règne un court instant, mais la tante, — obsédée elle aussi par la pensée des jours enfuis, — demande soudain :

— Aimeriez-vous, mes enfants, à recommencer le passé ?

Voilà la discussion ouverte pour la soirée entière.

— Merci pour moi, répond Esther avec fougue, abandonnant lettres, journaux, lâchant tout, tout de suite animée, ses extraordinaires yeux bruns brûlant dans leur fouillis de longs cils. Merci pour moi, ma tante, je veux avancer et non pas reculer ; je veux vivre et je veux mourir. Et j’ai hâte. Pensez-en ce que vous voudrez. Je suis curieuse. J’ai hâte de tout voir. Je ne serai jamais tranquille avant ! Recommencer la vie, à quoi bon ? C’est toujours la même histoire ; un jour elle est bonne, le lendemain elle est mauvaise. Nous sommes sur la terre pour gagner le ciel, et Dieu sait si tout