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LA MAISON

vient à point pour que nous le gagnions. Non, merci, pas de recommencement avec moi. Je veux finir au plus tôt !

— Mais, ma pauvre nièce, quelle horreur à ton âge, parler ainsi !

Lucette maintenant défend le point de vue d’Esther :

— Si Esther parlait ainsi, et si elle était triste, plaignarde, morose, ce serait différent. Mais elle est gaie, toujours en train, elle profite de tout ce qui passe, elle s’enthousiasme pour un rien. Alors, je la comprends et je l’approuve. Je pense comme elle. Je suis heureuse de ce qui est bon et beau. Je suis heureuse ce soir. Vous m’offrez d’ailleurs l’image du parfait bonheur humain…

Les fauteuils sont en rond autour de la cheminée. Étendu sur des coussins, à terre, Jean fume sa pipe rêveur. Louis écoute et s’amuse en silence. Lucette continue :

— Mais le bonheur humain est toujours fugace. On espère toujours des choses qui ne se produisent jamais ; si elles se produisent, elles nous déçoivent. Rien ne dure, que notre religion. Alors, Esther et moi, nous ne sommes pas dépitées, aigries, mais nous jugeons les choses de ce monde à leur juste valeur. Nous savons pourquoi nous avons été créés et mises au monde, et nous serions heureuses d’avoir