Page:Le Normand - La Maison aux phlox, 1941.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[160]
LA MAISON

Il était sept heures d’abord. Puis il fut huit heures, puis neuf heures. C’était vendredi, jour de marché. Il fallait aller au village. Une auto vint nous chercher. Nous avions aussi à voir la couturière. Du coin, en descendant chez elle, c’est la voix quotidienne de Jovette Bernier que nous reconnûmes, dominant le souffle de la machine à coudre. Tant mieux. Tout était donc normal, tout allait comme les matins de tous les jours. Il faisait si beau.

Mais deux secondes plus tard, nous savions :

— Hitler a attaqué Dantzig, il bombarde la Pologne.

Notre cœur bondit. La couturière ne donnait la nouvelle que comme un fait divers un peu plus alarmant que les autres ; un fait divers lointain, qui dans sa vie paisible ne dérangerait probablement pas grand’chose, qui ne pouvait encore nous attrister que superficiellement.

Elle sembla surprise de notre consternation. Mais nous savions les craintes qui habitaient nos cœurs, et quels amis très près le malheur allait atteindre. Nous savions aussi comme il nous faudrait prier, supplier le Ciel, pour que notre propre pays fût épargné, pour que les nôtres ne fussent pas entraînés à augmenter un peu plus le chaos du monde, sous le prétexte splendide de sauver la civilisation. Au retour, même dans notre oasis, l’alarme avait aussi