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LA MAISON

Toujours surgissaient de nouvelles espèces et disposées dans la mousse comme pour une exposition, ou pour illustrer un conte. Les jeunes filles poussaient maintenant leurs exclamations enthousiastes d’une voix étouffée. Il leur semblait nécessaire de parler bas, pour ne pas voir s’évanouir ce pays enchanté. Penchées, elles surveillaient le sous-bois, pareil à un souterrain mystérieusement plein de lumière et de couleur ; les fausses oronges au chapeau serin marqué de verrues blanches, grandissaient de plus en plus, fières de leur puissance mortelle ; ailleurs toute une colonie de chanterelles invitait à un festin de roi ; de beaux cortinaires violets restaient enveloppés d’un demi-voile ; des russules rousses, pourpres, violacées faisaient les belles sur leur pied si blanc, mais jamais les jeunes filles n’avaient vu ces champignons aussi nombreux, aussi colorés, aussi lumineux, aussi gigantesques ; quelque chose s’y ajoutait ; cette forêt était de celles dans lesquelles se jouent les contes de fées ; et personne n’aurait été surpris de voir soudain s’animer ces parasols, d’entendre parler ces fantastiques petits êtres. Charmées elles continuaient à marcher, sans souci de l’heure, sans souci du passé, sans souci de l’avenir, les yeux grands, l’oreille attentive, émues d’être pour une fois admises au pays des merveilles.