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LA MAISON

Elles ne sentaient pas le vent qui passait, mais elles voyaient tomber la neige, quand il secouait les cimes. Les montagnes les entou­raient de toutes parts ; des montagnes amies, bienfaisantes, toute beauté, joie, sourire, nuances sous le soleil de mars.

Puis, elles virent en haut d’une colline, une longue maison, canadienne de ligne, blanche avec un toit et des volets rouges. C’était camp Fortune, ce club dont elles entendaient parler depuis si longtemps. Elles étaient au but.

Mais avant d’aller se faire du thé, sur les gros fourneaux toujours chauds, elles rayonne­raient autour du camp, sur toutes ces immenses côtes baptisées en anglais : The Canyon, Tra­veler’s Hill. Comment Marie se souviendra-t-elle de tous ces noms ?

Ce qui l’empêche de dormir, malgré sa lassi­tude heureuse, c’est de se revoir sur les sommets, dominant les descentes blanches gardées par l’armée des arbres sombres et glorieux ; et c’est de retrouver en elle ses impressions de joie, de fierté et d’enthousiasme tempéré d’un soupçon de peur ; jamais auparavant elle ne s’était lancée jusqu’au bas de collines aussi longues et aussi inconnues. Et elle recommence et recommence en imagination, l’affolante plongée, elle bondit de nouveau dans l’air, retombe sur le sol ouaté,