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LA MAISON

ouvre. Une Isabelle vieillie, mais dont la chevelure brun roux est toujours belle. Une Isabelle très grande. Une Isabelle émue. Elles s’embrassent, se sentent à la fois étrangères et amies. Isabelle invite Christine à la suivre dans la salle à manger. Le salon en hiver est trop froid. On ne peut y rester que pendant les heures ensoleillées. Or, il n’y a pas eu de soleil depuis un mois.

Dans la salle à manger, leur timidité tout de suite rompue, les amies causent à l’aise, quand survient le mari, tenant la main de sa petite fille.

La petite est exquise. Christine le déclare avec enthousiasme, mais une gêne en même temps la glace. Ce mari apporte en entrant elle ne sait quelle hostilité. Tous les maris sont gênants, c’est entendu, pour les amies de leurs femmes restées jeunes filles. Mais celui-ci l’est plus que les autres. On dirait qu’il traîne avec lui le grand froid du salon.

Il parle, et au bout de chaque phrase il dit :

— Vous savez ; comment est Isabelle, n’est-ce pas ?

Et suivant ce qu’il raconte, cela veut dire : « Vous savez ; qu’elle est folle, timorée, qu’elle est exaltée, qu’elle prend mal les choses ; vous savez ; ceci, vous savez ; cela… » Tout le temps le ton et le sens restent péjoratifs.