visiter. Christine aurait bien voulu dire un mot à Isabelle toute seule. Mais nenni. Elle n’en put trouver l’occasion. Sur le seuil de la porte, Pierre décocha quelques autres « Vous savez ; comment est Isabelle… »
Christine s’en alla sur ce refrain.
Ce refrain ! La rue noire reçut une Christine désillusionnée. La fumée du rhum se dissipait. Le plaisir qu’elle avait eu à parler à cœur ouvert, brusquement s’évanouissait. Elle aperçut cette large marge qui s’étalait entre le passé et le présent. Le dernier passé qu’elle avait connu d’Isabelle était ces longues lettres, où celle-ci ne parlait que de la tendresse de Pierre, de la bonté de Pierre, de la délicatesse de cœur de Pierre, de l’intelligence de Pierre, de l’union parfaite des esprits, des goûts chez Pierre et chez Isabelle, du délice pour Isabelle de partager l’ambition, l’idéal de Pierre…
Après quatre ans, le héros de roman n’était plus qu’un homme ordinaire, désagréable, ironique, grognon, méchant même ; il ne paraissait pas intelligent. Il ne devait pas l’être, pour s’être montré si grossier envers sa femme, devant une personne qu’il voyait pour la première fois…
Pierre n’était qu’un monstre, et, quatre ans plus tôt, il avait été pour Isabelle toute douceur et tout amour, le bonheur…