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AUX PHLOX
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Elles lisaient à Gabrielle les lettres de leurs héroïques filleuls.

Ce soir là, elles rangeaient des paperasses, de vieux portraits. Gabrielle examina une photo qui ressemblait à un tableau : une tête de jeune fille si belle, si touchante, qu’elle l’admira un long moment.

— Ah ! tiens, dit une des cousines, je ne savais pas que nous avions un portrait d’Anne. Pauvre petite Anne.

— Pourquoi pauvre petite Anne ?

— Elle est morte, alors qu’elle était fiancée et heureuse. Tu la trouves belle sur cette photo ? Elle l’était en réalité beaucoup plus.

Les cousines, rappelant leurs souvenirs, racontèrent l’idylle, sans deviner l’émoi que soulevait en Gabrielle leur récit. Jamais, depuis qu’à treize ans, elle avait lu la Main de velours et le Missel de grand-mère, Gabrielle n’avait été aussi attendrie. Son imagination amplifiait tout. Elle en avait les larmes aux yeux. Cette histoire n’était pas une histoire inventée : elle avait été vécue et elle finissait tristement. Jamais mort plus cruelle n’avait anéanti pareil bonheur.

Anne avait connu son fiancé sur le paquebot, au retour d’un voyage d’Europe. Peut-on trouver un cadre plus propice à la naissance d’un amour ? Tout de suite, Gabrielle réentendit ces vers